Retour au travail après un cancer du sein
"Il est essentiel de commencer à conseiller les patients à temps. Il est préférable de donner aux patients des informations sur leurs perspectives d'emploi dès le diagnostic".
Terrains non bâtis
Après avoir obtenu son diplôme, la jeune Huget Désiron a travaillé comme ergothérapeute dans un hôpital. Elle y reçoit régulièrement des patients en rééducation qui se posent des questions sur leur situation professionnelle. Des questions auxquelles sa formation et son domaine professionnel ne lui permettaient pas de répondre. Elle a suivi une formation complémentaire en ergonomie et s'est mise à son compte pour accompagner les entreprises dans la réinsertion de leurs employés.
"Il y a trente ans, c'était encore un terrain vague, surtout pour les patients atteints de cancer. Non seulement les chances de guérison étaient beaucoup plus faibles, mais il n'était pas non plus évident de reprendre le travail après un cancer. S'il existait un lien entre l'ergothérapie et le cancer, il se concentrait principalement sur la situation privée, comme les effets secondaires ayant un impact sur la vie quotidienne et sur le ménage. Le travail était à peine abordé".
Huget Désiron a comblé cette lacune et, avec les étudiants en ergothérapie de l'école supérieure PXL auxquels elle a enseigné, a mené des recherches sur la réintégration des patientes atteintes d'un cancer du sein. Son doctorat (sciences biomédicales KU Leuven, 2016) portait également sur ce thème : "Retour au travail chez les patientes atteintes d'un cancer du sein".
Questions et réponses
Grâce à un projet de recherche mené à l'hôpital Jessa de Hasselt et à l'UZ Gasthuisberg de Louvain (et financé par Kom Op Tegen Kanker), Désiron a pu mieux comprendre les conditions d'un retour au travail en douceur.
"Il est essentiel de commencer à conseiller les patients à temps. Les patients sont mieux informés sur leurs perspectives d'emploi dès le diagnostic, et pas seulement sur les aspects médicaux et psychosociaux de leur maladie. De toute façon, les gens se posent des questions : que dois-je dire à mon patron, combien de temps suis-je en congé de maladie, puis-je continuer à travailler à temps partiel ou demander un travail adapté à mon retour ? Il est utile de pouvoir s'adresser à un expert à l'hôpital pour répondre à ces questions. Ce n'est pas toujours le cas aujourd'hui.
Pour faire le point sur cette question, Désiron a mis en place une étude avec ses étudiants (financée par le centre de connaissances sur le handicap du Riziv) : Practice Based Evidence. Cette étude demandait aux prestataires de soins de santé dans les hôpitaux si et dans quelle mesure une aide au travail était proposée aujourd'hui et ce qu'ils pensaient être nécessaire pour optimiser ce processus. Il y a manifestement encore du travail à faire : seuls 10 % des hôpitaux déclarent être en mesure d'offrir ce service de manière structurée, sous la forme d'un service social ou d'un oncoach qui aborde systématiquement la question avec les patients. Quelque 20 % des hôpitaux participants n'assument pas (encore) ce rôle et plus de 70 % sont encore à la recherche d'une bonne approche.
Pièces de puzzle
Environ 60 % des patientes atteintes d'un cancer du sein reprennent le travail d'elles-mêmes. Huget Désiron : "40 % n'y parviennent donc pas. Et il ne faut pas oublier les abandons : les femmes qui commencent à travailler mais qui doivent quand même jeter l'éponge après un certain temps."
L'aide à la reprise du travail est personnalisée, souligne-t-elle, car il faut tenir compte de la situation du patient et de celle de l'employeur. Une PME en proie à des turbulences économiques présente un contexte différent de celui d'une entreprise florissante. "Personnellement, j'éprouve une grande satisfaction lorsque toutes les pièces du puzzle se mettent enfin en place. Important : c'est la patiente elle-même qui pose le mieux le cadre du puzzle. Quand se voit-elle reprendre le travail, comment l'envisage-t-elle concrètement ? Avec cette proposition, nous nous adressons à l'employeur (souvent avec le médecin du travail comme personne de contact), qui apporte des nuances ou des ajustements, après quoi le médecin-conseil de la caisse d'assurance maladie prend la décision finale et donne le feu vert."
Par ailleurs, M. Désiron souhaite dissiper un malentendu. "Dans les médias, on entend et on lit surtout des histoires d'employeurs qui font preuve de peu de compréhension à l'égard de leurs employés malades, voire qui les mettent à la porte. À mon avis, il s'agit là d'exceptions. La plupart des employeurs avec lesquels j'ai travaillé, et ils sont nombreux, ont du cœur pour leurs employés et font preuve d'un grand engagement pour les ramener au travail."
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